De quoi s’agit-il ?
En bref, car assurément vous n’avez pas manqué d’en entendre parler…
Contrairement à ce qu’évoque son nom, le « quiet quitting » généralement traduit par « démission silencieuse » n’implique pas, pour celui ou celle qui le revendique, un vrai souhait de quitter l’entreprise. Il ne peut donc être assimilé au « big quit » ou « grande démission » qui a touché les Etats-Unis en 2021 (47 millions de départs sur l’année selon CNN).
Au départ, le « quiet quitting » semblait impacter surtout la génération « Z », c’est-à-dire les jeunes nés après 1997 et donc récemment entrés sur le marché du travail. Cependant, actuellement, l’ampleur du mouvement démontre que le « quiet quitting » – tout comme une tache d’huile – s’étend aux autres générations.
Le « quiet quitting » témoigne d’une forme de désengagement en réaction au « blurring » ou l’effacement de la frontière entre vie privée et vie professionnelle, induit par le télétravail et les nouvelles habitudes de travail mises en place durant la crise sanitaire.
Les « quiet quitters » affirment que leur valeur en tant qu’humain ne peut être définie par le travail. Par conséquent, ils entendent limiter strictement leur activité professionnelle à leur descriptif de fonction. Cela implique « droit à la déconnexion », pas d’heures supplémentaires non rémunérées, respect de la vie personnelle, refus d’endosser plusieurs fonctions parce qu’un collègue est absent…
Quiet quitting ou quiet working ?
L’analyse du phénomène indique que plutôt qu’une démission ou un souhait de quitter l’entreprise, le « quiet quitting » consiste à travailler dans les limites du contrat signé par le travailleur et l’employeur. Le terme de « quiet working » ou celui qui fait fureur depuis peu « act your wage » sembleraient donc plus appropriés. En effet, les travailleurs continuent à remplir consciencieusement leurs tâches au quotidien. Ils veulent juste le faire dans un environnement respectueux, calme, propice à l’épanouissement, sécurisé, bref conforme aux dispositions sur le bien-être au travail.
Précisons si besoin en était, que l’idée de « quiet quitting » postule que le travailleur remplit parfaitement « son » contrat, c’est-à-dire qu’il :
- dispose des compétences et talents nécessaires ;
- met à la disposition de l’entreprise toutes les « soft skills » utiles à l’accomplissement de ses missions ;
- atteint, voire dépasse, régulièrement les objectifs établis de commun accord lors des entretiens d’évaluation ;
- contribue à l’harmonie au sein de l’équipe ou du département au sein duquel il travaille ;
- fait preuve de dynamisme, est orienté solutions, fiable et réactif ;
- adhère à la culture et à la charte des valeurs de l’entreprise et se montre fier d’y travailler…
Sinon… le problème n’est pas le « quiet quitting » !
Les « quiet quitters » sont-ils paresseux ou manquent-ils d’ambition ?
En quelque sorte, poser la question, c’est y répondre !
Est-ce que faire exactement ce pour quoi on est rémunéré, sans envie de bâcler ou de rogner sur ses tâches, est un signe de paresse ?
Est-ce qu’arrêter d’en faire toujours plus, au-delà des attentes exprimées d’un employeur dans l’espoir d’une hypothétique promotion, augmentation ou simplement reconnaissance constitue un manque d’ambition ?
Est-ce que refuser de prester des heures supplémentaires lorsque le management affirme que « tout est urgent » plutôt que de prioriser correctement les tâches est un signe de désengagement ?
Est-ce que refuser le stress générateur de burnout, l’effacement des limites entre vie privée et vie professionnelle et dénoncer les risques psycho-sociaux est un manque de motivation ?
Répondre à ces questions par la négative revient à envisager une redéfinition des concepts d’ambition et de réussite, redéfinition dans laquelle le travail est une composante mais non l’élément primordial.
En quoi le « quiet quitting » peut-il affecter la bonne marche d’une entreprise ?
Des clients de plus en plus exigeants, une concurrence plus agile impliquent des collaborateurs flexibles, réactifs, prêts à se dépasser, engagés à 200 % pour la réussite de leur entreprise. En terme de « menaces », le quiet quitting peut se traduire par :
- une baisse de productivité : certaines tâches pas clairement définies dans la description de fonction risquent de ne plus être réalisées.
- un risque de tension entre collaborateurs : certaines tâches mal définies, mais néanmoins nécessaires seront effectuées par ceux qui n’adoptent pas le « quiet quitting ».
- une détérioration du climat social : risque de départ précipité de certains collaborateurs, dans un climat de difficulté de recrutement et de fidélisation du personnel.
Et la liste n’est pas exhaustive ! Elle est cependant suffisante pour justifier que l’on s’intéresse au phénomène et le cas échéant qu’on mette en place, voire qu’on actualise les actions correctives.
Désengagement ou démotivation ?
Le rapport annuel « State of the Global Workplace » de l’Institut Gallup pour 2022 indique que le taux d’engagement des travailleurs est de 21% dans le monde, tandis qu’il n’est que de 14% en Europe et seulement 11% en Belgique. Pour Gallup l’engagement d’un salarié correspond à son implication et son enthousiasme au travail et sur son lieu de travail.
Cela voudrait dire que 89 % des travailleurs belges ne se sentent pas engagés dans leur travail ou leur entreprise ?
Lorsqu’on les interroge sur les raisons de leur adhésion au « quiet quitting », paradoxalement la notion de rémunération n’est pas majoritairement invoquée par les travailleurs. Il s’agit plutôt du sentiment d’un manque de reconnaissance, d’une dégradation du sens du travail ou du manque de cohérence dans les injonctions du management. D’où la question : désengagement ou démotivation ?
Mais qu’entend-on par engagement ou désengagement au travail ?
C’est William Kahn, professeur à l’Université de Boston, qui a introduit ces notions en 1990 dans son article « Psychological conditions of personal engagement and disengagement at work » paru dans le Journal de l’Academy of Management de New-York.
A cette époque, il définissait le désengagement comme « un détachement de soi par rapport à son poste. Dans le désengagement, les gens se retirent et se protègent physiquement, cognitivement et émotionnellement lorsqu’ils exécutent leur travail. »
Pour William Kahn, l’engagement c’est « la capacité d’un salarié à être entièrement soi-même sur son lieu de travail » et il identifiait 3 leviers psychologiques pour l’évaluer :
- Le sens : est-ce que le travail a suffisamment de sens (tant de manière intrinsèque que pour l’entreprise) pour permettre au collaborateur d’être lui-même ?
- La sécurité : est-ce que le collaborateur peut sans crainte des répercussions, être lui-même, s’exprimer sans crainte de répercussions ?
- La disponibilité: est-ce que le collaborateur se sent mentalement et physiquement capable d’être lui-même ?
Quant à la motivation, on pourrait la définir comme un processus ou un moteur interne qui pousse à agir, oriente, dynamise le comportement d’un individu vers l’atteinte d’objectifs attendus. Et la motivation atteint son niveau optimal lorsque les 3 besoins psychologiques fondamentaux sont rencontrés :
- Le besoin de compétence : se sentir efficace, pouvoir exprimer son potentiel, montrer ses capacités et pouvoir progresser.
- Le besoin d’autonomie : disposer de marges de liberté dans l’expression de son opinion, la prise de décision et l’organisation de son travail.
- Le besoin d’appartenance sociale: ressentir qu’on appartient à un groupe, que l’on y est reconnu.
Et si dans les lignes qui précèdent vous avez – outre Kahn – reconnu Maslow[1] ou Deci et Ryan[2], vous avez parfaitement raison !
Mais alors, le « quiet quitting », ce phénomène qui agite le web depuis quelques mois, ce ne serait qu’un nouveau nom pour un concept vieux de plus de 30 ans ?
Sans doute ! Ce n’est ni une mode, ni nouveau, mais plus vraisemblablement l’expression d’attentes nouvelles en matière de bien-être au travail de la part des collaborateurs.
Comment agir ou réagir contre le « quiet quitting » :
Le « quiet quitting » n’est pas non plus une fatalité mais plutôt une opportunité de s’assurer que l’organisation de l’entreprise, soit :
- répond aux attentes des collaborateurs qui souhaitent trouver ou retrouver un sens à leur travail, un épanouissement dans leur vie professionnelle, la possibilité de se développer ou de progresser, une forme de bien-être et d’équilibre entre travail et vie personnelle ;
- n’y répond pas et quels sont les motifs de désengagement.
Et cela semble particulièrement important dans la mesure où selon l’institut Gallup, les entreprises où l’engagement des collaborateurs est élevé, sont plus performantes. On y observe :
- une meilleure productivité (+17%) ;
- davantage de profits (+21%) ;
- un impact direct sur l’absentéisme (-40%) et sur le turnover des collaborateurs (-59%).
L’outil ALGORITHME mis au point par Formalia en collaboration avec Jean-François Bertholet[3] vous permettra de répondre à la question du désengagement de vos équipes. Il s’agit :
- Tout d’abord d’une enquête anonyme, réalisée en ligne, qui s’adresse à tous les collaborateurs de l’entreprise.
- Ensuite d’un diagnostic qui évalue :
- la présence de risques psychosociaux dans l’organisation ;
- le sentiment d’injustice dans les équipes ;
- la qualité du leadership ;
- l’attachement du personnel à l’entreprise et l’adhésion à ses valeurs.
- Enfin, un plan d’actions concret qui responsabilise les différents acteurs au sein de l’entreprise et permet d’agir sur les vrais leviers, aux bons endroits, de manière ciblée.
Vous êtes intéressé ou vous voulez en savoir plus, cliquez ici ou contactez-nous…
Sources :
[1] Abraham Maslow – Motivation and personality – 1970.
[2] Edward Deci, Richard Ryan – Self determination theory – 1985.
[3] Jean-François Bertholet – HEC Montréal – spécialiste du monde du travail